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Sécurité civile, les anges de la montagne et ailleurs

L’essence même de notre association est la promotion et la culture de la prévention, de la sécurité et du secourisme dans le milieu de la montagne. Malgré toutes ces précautions, il se peut qu’un drame arrive dans ce cas, ce sont les professionnels qui interviennentDernier maillon essentiel de la chaine de secours, il est donc normal de les mettre en lumière, d’en parler. Découvrir plus qu’un métier, comment ils travaillent, leurs difficultés, mais aussi tous les bons conseils, leurs retours ou recommandations qu’ils pourraient nous donner. Quoi de mieux que d’aller les rencontrer, afin de percer à jour ces passionnés, dont le métier risqué est de vous porter secours, là où plus personne ne peut intervenir. C’est dans ce cadre, qu’avec mon acolyte Benjamin, nous avons eu la chance d’aller à la rencontre et nous entretenir avec une équipe de Dragon 64 sur le site de Lescar.


LE GROUPEMENT D’HELICOPTERE DE LA SECURITE CIVILE

Ce groupement, dont l’état-major se trouve à Nîmes, est composé de 23 bases et 7 détachements, avec un budget annuel de 60 millions d’euros. Au niveau des moyens, ils possèdent 34 hélicoptères EC 145, armés par 200 personnels qui tournent en gardes. Ils fonctionnent toujours en binômes, 100 pilotes et 100 Mécanicien Opérateur de Bord (MOB).

Le groupement d’hélicoptère de la Sécurité Civile est un des groupements le plus expérimenté et compétent du monde. Ils ont déjà la particularité de ne partir qu’à deux en intervention, là où la plupart décollent à trois. Mais surtout, ce sont les seuls à être opérationnels 24/24, 7J/7J, les 365 jours de l’année. Comme tous les pilotes, lors de leurs interventions, ils se déplacent en :

  1. VFR (visual Flight Rules) c’est-à-dire en Vol à vue,
  2. IFR (Instruments Flight rules), c’est-à-dire avec Vol aux instruments, qui est une qualification particulière. Rares sont ceux qui le font, ils peuvent donc sortir de jour comme de nuit, n’importe quand, contrairement à la gendarmerie et le Samu (sauf exception du Samu de Lille et Dijon), c’est une de leur grosse particularitè,
  3. CAM (Circulation Aérienne Militaire) qui leur permet d’évoluer de nuit avec les JVN (Jumelles à Vision Nocturne), à des altitudes qui ne sont autorisées que sous ce régime de vol, qui n’est appliquée qu’avec des appareils étatiques. Comme nous le dit David, c’est pour nous essentiel afin de pouvoir poser ou treuiller n’importe où, en appliquant des trajectoires sécurisées.

 

Vous l’avez donc compris, c’est une unité que je qualifierai d’élite, particulièrement bien armée pour toutes les interventions, qui ne recrute que des personnels chevronnés et expérimentés. 

Chaque année, ils réalisent en moyenne 17 000 heures de vols, pour une moyenne de 12 500 personnes secourues. Soit une personne secourue toutes les 33 minutes. Ces chiffres sont en constante augmentation, la preuve avec 19 000 interventions en 2020.

Ils sont répartis en moyenne comme suit :

  • 12 203 heures de missions de secours et de sauvetage soit 14 632 interventions,
  • 9 000 opérations de treuillage jour et nuit,
  • 700 heures en missions de recherche,
  • 1 810 heures de missions de reconnaissance,
  • 6 715 heures de missions diverses, dont la formation et l’entrainement réguliers et obligatoires de l’ensemble des équipages,
  • 1 500 heures de vol en IFR,
  • 2 700 heures de vol sous JVN,
  • 20% des opérations réalisées de nuit.

Leurs interventions sont très diverses :

  • Evacuation des personnes en détresse,
  • Transport d’équipe de secours et de matériel spécialisé,
  • Recherche,
  • Surveillance et coordination des secours,
  • Transport sanitaire inter hôpitaux à caractère d’urgence,
  • Sécurité et prévention générale,
  • Missions de prévention générale et d’assistance technique, au profit d’administration ou de collectivités locales.

Avec la récente, et encore présente crise sanitaire, on a parlé de beaucoup de monde. On a élevé au rang de héros énormément de corps de métier. Mais avez-vous entendu parler des équipages des Dragons de la Sécurité Civile ? Pas moi, pourtant ils ont été décisifs entre le 25 février et le 31 juillet. Ils ont réalisé 293 missions liées au Covid, pour 360 heures de vol.  

 

 LA BASE DE DRAGON 64

Notre association étant dans le Sud-Ouest, nous sommes donc allés les rencontrer dans la base du 64. Pas reçus par n’importe qui, mais par David Boisbleau, qui est le nouveau chef de cette base, tout droit arrivé de Quimper il y a seulement deux mois. Ce pilote Breton, père de famille de 45 ans, est entré dans l’armée de terre, pour intégrer l’ALAT à 18 ans. Il va piloter des hélicoptères lourds comme les Pumas, Supers Pumas ou Caracals. Il finira par quitter l’armée pour rentrer dans une société privée de transport. Puis en 2012, il va intégrer cette prestigieuse « unité élite » de la sécurité civile, et va donc même devenir chef de base chez nous. Cela fait 27 ans que David pilote des hélicoptères, spécialisé dans les sauvetages nautiques, il le devient donc en montagne.

Ce jour-là, on rencontre donc également son binôme du jour : Patrick qui est le Mécanicien Opérateur de Bord. Quand on parle d’expérience, Patrick en est le parfait exemple. A 18 ans il rentre dans l’ALAT pendant 5 ans, puis intègrera par la suite la gendarmerie. En 2003 il continuera son métier, sa passion au sein de la Sécurité Civile, il posera ses valises à Pau en 2006 pour ne plus en partir. Autant vous dire que le Sud-Ouest avec ses massifs, montagnes, routes et autres difficultés n’ont plus aucuns secret pour lui. A 53 ans cela fait donc 35 ans qu’il bosse à bord d’un hélicoptère, où il s’est même spécialisé dans les montagnes depuis 1991. Ce sont deux monstres du secours que nous avons en face.

 

Comme toutes les bases de France, l’effectif de la base du 64 est composé de 8 hommes (4 pilotes et 4 MOB), qui tournent en garde de 3 à 5 jours. Ils sont dotés d’un hélicoptère EC 145 biturbine, qui est modèle polyvalent. A son bord, ils effectuent pas loin de 650 heures par an, dont 250 heures pour les interventions en montagnes, et un quart en entrainement.

N’allez pas croire qu’ils se tournent les pouces en attendant un départ, leur base fonctionne de façon totalement autonome, ils font tout à l’intérieur. La moindre commande, c’est eux qui s’en occupent. Une ampoule cassée, le carburant, les abonnements… Bref absolument tout. Ils n’ont pas de cantine comme les autres corps d’armés, donc se font leur popote. Je ne parle que du côté logistique, car avec l’opérationnel c’est la même limonade. Tous les jours, les MOB inspectent minutieusement l’hélicoptère, jusqu’au moindre boulon. Comme dit Patrick, l’avantage de ne pas sous-traiter c’est que l’on sait le travail que l’on a fait dessus. Bien entendu toutes les 800 heures de vols, c’est-à-dire pour eux environ moins de 1.5 ans, l’hélicoptère est révisé entièrement en atelier pendant 10 à 12 semaines. Mais ne vous inquiétez pas, un roulement est prévu afin d’avoir toujours une machine opérationnelle.

 

 LE DEROULEMENT D’UN DEPART SECOURS

Le temps peut paraitre long quand on attend les secours, blessé, il faut savoir que pour ces anges du ciel, il y a beaucoup de précautions à prendre en amont. En moyenne, en journée, ils décollent en moins de 30 min, et en moins d’une heure la nuit.

Ils se réunissent afin de tout calculer avant de partir :

  • La localisation la plus précise possible de la ou des victimes,
  • L’altitude de l’intervention,
  • La météo,
  • L’environnement, avec le plus grand danger pour eux : les lignes électriques,
  • Faut-il médicaliser ou non l’hélicoptère,
  • La quantité de carburant dont ils auront besoin.

Toutes ces questions sont capitales et doivent trouver une réponse rapide. Le but étant de décoller aussi vite que possible. La quantité du pétrole dépend, bien entendu de la distance, mais principalement du poids. Il ne faut pas dépasser les 3.585 tonnes matériels et équipage compris. Plus ils montent en altitude et plus il faut être léger. Nous ne sommes pas dans les films où ils jettent leurs matos petit à petit, ou encore Popeye avec sa grosse gourmette en or, pour les fans des Bronzés.

Pour les départs en montagne, ils décollent à deux, ils ne partent pas qu’en binôme. Ils sont toujours accompagnés par des spécialistes des secours en montagnes, souvent le PGHM ou les pompiers, et s’il le faut par un médecin ou/et un chien. Ces personnels supplémentaires se trouvent rarement sur la base, Dragon 64 doit aller les chercher sur leurs sites. Cela fait de la distance supplémentaire à prévoir pour le carburant. Cinq personnes étant le nombre maximal qui peut embarquer. Trop de monde ou de matériel tend à alourdir l’hélicoptère et augmente la dépense essence. Comme le dit David, le but est de travailler le plus léger possible. Le Dragon 64 parait d’ailleurs bien « nu » quand on regarde l’intérieur. Il est conçu avec uniquement et seulement l’essentiel, fabriqués dans des matériaux les plus légers possible. Cela fait très spartiate quand on regarde les sièges arrières.

 

 L’ARRIVEE SUR INTERVENTION

Localiser la ou les victimes n’est pas toujours facile (retrouvez les meilleures méthodes pour appeler les secours et vous faire localiser dans un prochain article). Mettez-vous à la place des secouristes, essayez de distinguer une personne au milieu du paysage !

Surtout la nuit, ils feront 2 passages, ils tournent pour étudier le terrain et récupérer tous les paramètres afin de savoir s’il est plus judicieux :

  • D’atterrir à côté,
  • De déposer les secouristes et/ou le médecin en amont ou en aval,
  • D’hélitreuiller,
  • De se poser plus loin,
  • De se poser en « appui patins »…

Pour le pilote il faut garder en tête que toutes ces manœuvres doivent faciliter l’intervention en la rendant la plus rapide possible, ceci en consommant le moins d’essence.  David et Patrick savent que pendant ce temps, la victime pense que les secouristes ne l’ont pas vu et qu’ils s’en vont. Non, on cherche et on repère. Ils nous confient que la plupart des personnes qu’ils vont chercher n’ont pas de moyens pour se faire repérer. Ils conseillent des fumigènes, des miroirs de détresse, de moyens lumineux en pleine nuit. Mais pour Patrick il faut une balise GPS de détresseC’est couteux mais nous sommes prévenus de suite, et la précision est de moins de 15 m (les moyens de secours feront l’objet d’un prochain article). Lors d’une des dernières interventions de David, pour se faire repérer, la victime a agité sa couverture de survie. Tous les moyens sont bons. Voilà encore une utilisation de la couverture de survie, qui est indispensable, à connaitre.

 

LE SAUVETAGE

 La victime est repérée, le plan et la manœuvre d’approche sont décidés ensemble après concertation. Il reste encore à descendre les secouristes en les treuillant. Là aussi, ils doivent débriefer avant le treuillage, il faut réfléchir aux manœuvres d’urgences en cas de panne moteur pendant le sauvetage. Tout doit être pensé, car le câble possède une longueur de 90 mètres, et supporte au total un poids de 200 kg. L’approche se fait entre le pilote et le MOB. C’est pour cela que le pilote sera toujours à droite de l’appareil, et le MOB à gauche, du côté du treuil, sur un fauteuil coulissant. De cette façon ils pourront avoir une plus grande zone visuelle.

La descente du Dragon ou de l’équipage peut alors commencer, mais pas forcément au plus proche de la victime. S’ils peuvent à se poser à côté de vous, Patrick et David vous donnent d’excellents conseils. Je dirais même que ce sont des obligations à respecter :

  1. Le souffle provoqué par les pales des hélices est très puissant, il correspond à un vent de 70km/h, cela emporte tout. Il faut donc attacher ses sacs à dos ou les porter, ranger tout ce qui traine, enlever les casquettes ou chapeaux de la tête. Fermer sa veste et ses poches. Tout va voler et potentiellement arriver dans le rotor de l’appareil,
  2. Gardez vos lunettes qui vous protègeront d’éventuelles projections,
  3. Protéger votre visage avec vos bras, baissez-vous et ne courez pas. Le mieux et d’attendre qu’ils viennent à votre rencontre,
  4. N’approchez pas de l’hélicoptère sans l’autorisation d’un des membres de l’équipage, et toujours par le côté, pour rester visible,
  5. Interdiction de s’approcher par l’arrière de l’appareil. Les devers ou talus réduisent la garde entre le sol et les pales,
  6. Bien entendu, si vous pouvez vous déplacer, cherchez un espace dégagé, pour que qu’ils se posent, cela demande une zone de 30 par 30 mètres. Si c’est possible, évitez les sols poussiéreux, sablonneux ou caillouteux.

 

Mais ne prenez jamais aucun risque. Si vous êtes blessés, que vous vous trouvez dans un lieu dangereux, peu accessible, que la visibilité est faible, restez sur placeIls finiront toujours par vous trouver. Quoiqu’il arrive, ils mettront tout en œuvre afin de vous sauver. Ils feront autant d’aller-retour qu’il faudra pour se ravitailler en essence. La seule limite, la seule barrière sera le brouillard. Dans ce cas ils ne pourront même pas décoller. Mais en théorie, tout montagnard ou traileur qui se respecte ne sort pas en montagne dans des conditions qui pourraient être dangereuses.

Malheureusement, aujourd’hui ce n’est pas le cas, la montagne est dangereuse. Les nouveaux randonneurs ne veulent pas investir dans du matériel, sous prétexte de peu les utiliser. Ils sont ignorants du danger en montagne, pensant que c’est une simple balade. Avec les défis, les courses toujours plus importantes et difficiles, les traileurs sont de plus en plus nombreux à braver les dangers, la météo, les conditions, sous prétexte qu’ils ne peuvent pas s’arrêter, qu’ils doivent s’entrainer. Ceci au mépris de la prévention et la sécurité. Ils partent sans moyens de secours, sans nourriture ni eau pour être le plus léger possible. Patrick le MOB, qui est un traileur chevronné, avec à son actif des centaines de courses, et notamment la célèbre Diagonale des fous, qu’il finira par 2 fois au début des année 2 000, nous le confirme. La plupart des personnes que l’on va chercher ne sont pas des habituées, se blessent par une absence de matériel adéquat, se retrouve en hypothermie car ils ne sont pas bien protégés. Les personnes plus aguerries, ont des accidents par méconnaissance des terrains, et veulent pousser la machine à fond. On voit vraiment de tout en sauvetage, dont beaucoup pourrait être évité

Le jour ou l’accident vous arrive, soit il est malheureusement trop tard, soit ce sont les secouristes en montagnes, pilote, MOB, PGHM, SAMU… qui vont être obligé de se mettre en danger à leur tour, pour vous.

En méprisant les règles élémentaires de préventions, vous jouez avec la vie des autres, seulement pour du loisir.

La vie vous n’en avez qu’une, mais vous avez toute votre vie pour gravir des sommets.  

 

POURTANT IL FAUT TIRER LA SONNETTE D’ALARME

Je tiens à préciser, que ce qui suit, personne sur la base du 64 ne m’en a parléaucune revendication n’a été faite, ni mentionné. Mais passionné par le sujet de la Sécurité Civile je me suis renseigné. La réalité va devenir tout autre si rien n’est fait. Des renforts sont habituellement prévus en été, avec 5 bases supplémentaires armées. Le problème est que suite à divers accidents : 3 dragons qui se sont crachés, 2 dans les Hautes Pyrénées en 2003 et 2006, un 3ème en Corse en 2009, et un en décembre 2019, si on rajoute Dragon 64, qui a heurté une paroi rocheuse le 6 juin 2020, le nombre d’hélicoptère diminue. En effet si cette flotte est composée de 34 appareils, entre les appareils en révision, et ceux hors service, il ne reste réellement que 23 ou 24 appareils en service. Avec la flotte vieillissante, la maintenance avec le manque de pièces, ou des délais très longs, cela reste très tendu. Même avec les 2 hélicoptères de type H145 D3, qui devraient être livrés avant la fin de la l’année. Cela ne résout pas le problème, cela ramènerait la flotte au niveau de 2019, une année déjà tendue, une goutte d’eau qui ne va rien résoudre. On peut comprendre leurs frustrations, car en même temps, la gendarmerie sera dotée de 10 hélicoptères de nouvelle génération, alors que cela ne sera pas des appareils de secours 24h/24h. Avec l’activité grandissante si les moyens diminues, ce sera au détriment des personnes en détresse !

 

 ILS SONT POURTANT INDISPENSABLES

Vous l’avez compris, leur métier n’est pas des plus faciles. On parle souvent de certains corps de métier comme les pompiers, pour les aduler et les mettre en valeur. Etant ancien Sapeur-Pompier de Paris, je peux vous garantir que ce corps d’élite mérite tout autant. Ce sont plus que de simples MOB ou pilotes, ce sont des passionnés, des amoureux de leur métier. Quand vous parlez avec eux, on sent cette passion, cette flamme pour le sauvetage. Ils partent sans jamais oublier le danger, mais avec une foi énorme. Là où les autres ne peuvent plus intervenir, eux viennent à vous. Que ce soit en pleine mer à 150 km des côtes, ou en montagne, même sur le Mont Blanc ces anges du ciel viendront vous secourir. Respectez-les en n’oubliant jamais les règles élémentaires de sécurité et de prévention. A chaque sortie, ils se retrouvent à plusieurs centaines de mètres d’altitude pour venir en aide aux autres, le danger est permanent. C’est peut-être leur métier, ils l’ont choisi, mais respecter les règles de bases, c’est déjà les respecter.    

A titre personnel, se fut une superbe rencontre. Tous les éléments, les conseils et les retours d’expériences qu’ils nous ont donné, me confortent et me disent que notre association est dans le vrai, que nous devons continuer. Tous les conseils que nous vous donnons à travers les articles, les posts sur les réseaux sociaux, les campagnes, sont donc utiles et réels. Sokorritzaileak continuera donc sur cette voie.

Un immense merci à David et Patrick, qui nous ont consacré 3h de leur temps un samedi matin. Avec le sourire et envie extraordinaire, alors qu’ils étaient partis en intervention à 3h du matin.

Milesker ikus arte.

Thomas

 

 

Crédit photo : TS -Photos / Sécurité Civile / Tom Tom

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